Il y a déjà bien longtemps que Délicieux Mari revient régulièrement à la charge avec une curieuse demande : "ma chérie, accepterais-tu de me fabriquer des sous-vêtements en nylon ?" La première fois, je l'ai regardé comme un coq pondre un oeuf. Quelle drôle d'idée, à l'époque du lycra ! En outre, vous entrez dans n'importe quel magasin et vous en ressortez avec des slips pour homme tout doux et de n'importe quel modèle, pour pas trop cher, en lycra, coton, synthétique élastique ...
Bref, je ne voyais vraiment, mais alors là, vraiment pas pourquoi je me casserais la binette à lui fabriquer ce qu'il me demandait avec tant d'insistance.
Jusqu'au jour où - m'accompagnant à la mercerie" - il m'apporte un rouleau de doublure jersey nylon (vous voyez de quoi je parle ?), et revient une nouvelle fois à la charge.
"S'il te plait, je le ferai moi-même ! comprends-moi, j'aimais tellement ceux produits par la marque P***-C** mais ça n'existe plus !"
A bout d'arguments, la fée a cédé. Mais pas décidée pour autant à mettre quoi que ce soit en oeuvre.
La maille nylon, c'est bien pour faire des jupons ou pour doubler des robes, mais à part ça, je n'ai jamais trouvé que cette matière était très plaisante. Ce n'est pas particulièrement doux, et vraiment très peu élastique.
Ce week-end, voilà Délicieux Mari qui débarrasse la table du living, déroule du papier de coupe et se met à fabriquer un "patron" de ce qu'il voudrait.
Mouais. il y a de l'idée. Je dois reconnaître qu'il a le compas dans l'oeil.
- Mais, chéri, n'as-tu pas oublié que les hommes ont des attributs quelque peu volumineux qu'il faut bien caser dans un relief quelconque, non présent dans ta conception ? Ne veux-tu pas d'une couture arrondie, là au centre ?
- nonon, les slip P**C** n'en avaient pas, je te jure ! Y a qu'à prévoir assez de largeur !
- Ok, mais ... et l'entrejambe, tu y as songé à mettre un peu de longueur à l'entrejambe ?
- zut alors, j'ai pas pensé, je recommence le patron...
C'est qu'il est persévérant, en plus ! Et à un point que je n'imagine pas encore.
Ensuite, vient le big moment du positionnement du patron sur le tissu, et des explications sur ce qu'est une lisière, un droit fil, sur les raisons pour lesquelles on coupe souvent en droit fil et parfois en biais etc etc etc ..
Zou, on se lance.
Je dois lui laisser ça, le projet tient la route à vue de nez.
Seul hic, ne voilà-t-il pas qu'il me demande de le faire en double épaisseur "parce que ceux de la marque Machin étaient comme ça" !?
Alors, déjà que coudre ce genre de sous-vêtements, ce n'est pas une mince affaire quand on sait coudre, je vous laisse deviner ma perplexité en imaginant Délicieux Mari aux commandes pour le reste. Il ne s'est JAMAIS assis devant une machine à coudre ! Il n'a JAMAIS coupé quoi que ce soit en couture ! Ni assemblé d'ailleurs.
Pas de problème, sous mes directives, il positionne, il marque, il coupe, il épingle, il assemble. Vient maintenant la phase "couture". Demander à un débutant de coudre de l'élastique à culotte sur quelque chose en nylon, avec des courbes et du point stretch, alors qu'il ne sait même pas comment placer le fil sur la machine, c'est peine perdue, autant lui montrer.
Je cogite beaucoup sur la façon la plus simple de procéder pour son slip en double, je l'assied à côté de moi, branche le fer à repasser, et le nomme grand assistant de la Maîtresse Couture. Il me passe les épingles, regarde attentivement, écoute mes explications, demande des renseignements.
Je couds, il se bat avec le fer pour repasser et ouvrir les coutures, et.... et .....
Et voilà la chose terminée !
Le mieux de tout, c'est qu'il est parfaitement mettable, et convient même bien. Personnellement, je ne voudrais pas porter ce genre de matière, j'ai définitivement adopté le confort du lycra, mais bon, si ça lui convient à lui, après tout, pourquoi pas ?
Cet après-midi, ne voilà-t-il pas que Délicieux Mari, me voyant absorbée dans mes oeuvres au crochet, me lance "ah, aujourd'hui, j'essaie tout seul".
J'ai beau lui expliquer que c'est une très mauvaise idée, qu'il ferait mieux d'accepter de faire un tablier en coton sous ma direction pour mieux dompter la machine, rien n'y fait. "non, je veux essayer et tout seul." Ok; ok, pas de problème. Un âne qui fait à sa tête, c'est déjà la moitié de sa nourriture.
Je l'ai laissé marquer, couper tout seul, puis il est parti dans la pièce de couture, où je l'ai laisser se débrouiller un
certain temps, en entendant moult jurons fuser ... jusqu'au moment où mon oreille attentive a capté un piteux "au secoooouuuuurs".
Oulà ! pas de cata pour la machine. C'est solide, une machine à coudre. Par contre, des nerfs d'homme, ça craque. Pauvre Délicieux Mari tout marri, d'ailleurs.
J'ai donc repris les commandes pour achever le slip numéro deux.
Décidément, l'homme qui coud, ce sera pour une autre séance, et la prochaine fois, c'est juré, c'est moi qui décide du projet !