Mes proches en savent quelque chose. Non pas que je sois insupportable à vivre, bien au contraire, j'ai plutôt un caractère aimable et presque toujours heureux. Mais en matière d'ouvrages, là, c'est une autre paire de manches.
Plus j'y pense et plus que je me dis que c'est finalement une bonne chose que je ne me sois jamais installée comme créatrice ou comme "petite main" à mon compte. Car bien souvent, rien ne garantit à la personne qui ose me passer commande qu'elle recevra un jour ce dont elle a rêvé.
Je ne sais pas pourquoi mais ... par esprit de contradiction sans doute ... une fois qu'on m'a demandé de fabriquer quelque chose, soudainement, je n'en ai plus envie, ou bien je trouve mille autres choses à terminer d'abord, ou encore j'entame l'ouvrage pleine d'ardeur et puis pour suivre n'importe quelle idée volage qui passe, j'abandonne tout, parfois pendant très très très longtemps.
Pauvre Mère Monique ! Elle en a fait suffisamment souvent les frais, avec sa fée fantasque et pas très rigoureuse dans ses délais.
Il y a bien deux ans, j'ai entamé la couture d'une large robe d'été, dans l'idée de faire une surprise à ma môman. Mais en cours de fabrication, subitement étreinte par le doute, je lui ai montré l'ouvrage.
Heureusement d'ailleurs car il n'a pas semblé que cela la ravissait.
Découragée, j'ai roulé le tout en boule au fond d'une de mes nombreuses boîtes à malice. Tant pis.
Pendant ce temps, sans jamais se démonter, de temps en temps, comme on instille de l'engrais à une plante avec délicatesse, elle me glissait à l'oreille qu'elle manquait vraiment de tablier.
Seul hic, c'est que elle et moi n'avons pas la même conception de ce qu'est un tablier. Pour moi, un tablier, c'est un "brol" qui cache l'avant du corps, se rabat vers l'arrière et se noue dans le dos. genre de chose facile et rapide à faire, une vraie détente, quoi.
Des pareils, j'adore en fabriquer, treize à la douzaine si vous voulez.
Pour elle, un tablier, c'est une autre paire de manches, c'est l'équivalent d'une robe d'été sans manches, boutonnée sur le devant, avec des poches, zet plein de détails (que je trouve parfaitement inutiles) rien que ça.
Et comme je sais que ma môman est une fichue difficile en matière de modèle, j'avais fort envie de l'envoyer promener en lui disant que je voulais bien lui en ... acheter des déjà cousus ! Mais pas de chance pour moi, c'est un "fait maison" avec les détails qu'elle aurait choisis, qu'elle voulait. Grrrrr.
Nous avons passé un compromis, et sur base d'un ancien cache-poussières tombant en loques, je lui ai fait le patron qu'elle voulait, comme elle voulait, pour qu'elle se couse autant de tabliers ultra-chipots qu'elle souhaitait, parce que le chipot et moi, ça fait deux.
Pas très charitable pour elle, mea maxima culpa, je sais.
Donc, l'an dernier, taraudée par les remords, j'ai ressorti la grande robe d'été non achevée, et ai coupé dedans un cache-poussières respectant relativement bien les souhaits habituels de ma môman, laquelle depuis le printemps dernier, se réjouit de pouvoir l'enfiler.
Mais voilà ! La fée, reprise par ses immondes démons, un beau jour, n'a plus su voir ledit cache-poussière en peinture, et l'a abandonné presque terminé, en le repoussant au bout de ma table de couture, pour se lancer dans mille autres projets.
Et le tablier, petit à petit, fut enfoui sous trois tonnes d'autres tissus.
Et ma môman, de temps en temps, prudemment, d'une toute petite voix, me disait "aaah j'aurais tellement besoin d'un nouveau cache poussières; celui-ci tombe en morceaux, et celui-là est le seul en bon état que je possède ...".
Enfin, voilà, comme quoi, avec un peu BEAUCOUP de patience, tout arrive !
Je vous présente le tablier de la Mère Monique, coupé sur base d'une tunique d'un magasine "Fait main" (je ne sais plus lequel).
Il est fait de coton africain en provenance du quartier Matongé à Bruxelles, et ne vous fiez pas à la délicatesse de ses motifs, le tissu est vraiment très très solide (oserais-je même dire increvable ? j'ai déjà testé moult tenues avec ces cotons).
Zoom sur l'empiècement avant arrondi, avec fronces, sur les boutons, sur la lichette pour pouvoir le suspendre à une patère, avec poches appliquées.
VOILA ! (ouf ! oserais-je lacher un "bon débarras" ?)
Ce n'était pourtant pas si compliqué à faire, ce fichu tablier quand même.